Les réseaux fibre vont passer au contrôle technique

Par Yann Daoulas modifié le 30/11/2020 à 10h55

La fibre se déploie à vitesse grand V en France, mais la qualité est-elle au rendez-vous ? Pour s'en assurer, le gouvernement s'apprête à lancer une mission de contrôle des déploiements FttH.

Intervention dans une armoire du réseau de fibre optique

Doit-on déjà s'inquiéter de l'état du tout jeune réseau de fibre optique ? Les problèmes ne semblent pas se limiter, en tout cas, au désordre régnant dans certaines armoires de rue. Au point de conduire le gouvernement à lancer une mission de contrôle du déploiement de la fibre. Reste à savoir quels territoires seront concernés par cet audit.

Bazar dans les armoires

C'est l'aspect le plus visible, pour ne pas dire spectaculaire, de la dégradation de l'état des réseaux de fibre optique. Des armoires ouvertes aux quatre vents et parfois, à l'intérieur, des "plats de nouilles" résultant des interventions successives de techniciens indélicats. Pour expliquer ces déboires, le modèle consistant à confier le raccordement des abonnés aux fournisseurs d'accès à Internet, dans une relation de sous-traitance aux exploitants des réseaux, est régulièrement montré du doigt. 

En bisbille sur le sujet de longue date, les différents protagonistes peinent toujours à s'entendre pour mettre fin au désordre. En parallèle, certains observateurs pointent le choix originel de déporter ces éléments du réseau, les points de mutualisation, au plus près des locaux d'habitation ou professionnels, au détriment d'une architecture plus centralisée et donc plus sécurisée.

Toujours est-il qu'à mesure que la disponibilité de la fibre s'accroît, l'inquiétude aussi. Notamment du côté des collectivités qui ont financé les réseaux d'initiative publique, et dénoncent régulièrement des dégradations. Est-ce cette alerte de plus en plus sonore qui a convaincu le gouvernement de s'impliquer plus avant dans le dossier ? Manifestement, pas seulement.

Faisceau d'alertes

Car les doutes ne portent pas que sur la partie terminale du réseau. Au-delà de l'état des armoires, la partie amont est également dans le viseur de cette grande opération de contrôle que compte lancer le gouvernement.

L'initiative s'appuie en effet sur un faisceau d'alertes portant notamment sur le sous-dimensionnement de câbles de transport. La quantité de route optiques disponibles serait, en certains endroits, insuffisante pour pouvoir desservir tous les utilisateurs. Mais il y aussi un matériau dont la qualité pose question. Les fibres optiques d'importation semblent en effet ne pas donner entière satisfaction. Du grain à moudre pour les industriels français du câble, qui dénoncent le poids croissant, sur le marché hexagonal, de fibres extra-européennes achetées à vil prix.

Enfin, au lendemain des inondations qui ont dévasté plusieurs vallées des Alpes-Maritimes, la vulnérabilité des réseaux fibre aux aléas climatiques explique également ce regain de vigilance.

Les RIP dans le viseur ?

Selon nos informations, cette opération de contrôle dépendrait directement du secrétariat d'Etat en charge de la Transition numérique et aux Communications électroniques, et sa supervision confiée à Benoît Loutrel, ancien directeur général de l'Arcep. [Mise à jour du 29 novembre 2020 : à l'occasion du colloque TRIP de l'Avicca, Benoît Loutrel a précisé les objectifs de sa mission, qui relèvera moins de l'audit que de la consolidation du programme France THD] Objectif énoncé dans la lettre de mission, que nous avons pu consulter : "mieux sécuriser les déploiements et les conditions d'exploitation sur les réseaux d'initiative publique"(RIP). Et trouver des "remédiations" aux potentiels problèmes identifiés.

Les réseaux fibre déployés sur fonds propres par les opérateurs, dans les zones très dense ou dans les zones moins denses d'initiative privée (AMII notamment), seraient donc exclus du périmètre de cette mission de contrôle. Doit-on comprendre que sur ce périmètre, les infrastructures seraient exemptes des problèmes identifiés ? Ce n'est pourtant pas le cas. Exemple récent : la suspension de la commercialisation de la fibre sur un réseau déployé sur fonds propres par SFR dans le Rhône, après des échecs de raccordement à répétition. L'épisode est lié selon l'opérateur à des "problèmes de sous-traitance" et a conduit ce dernier à lancer, justement, un audit de l'ensemble des armoires du secteur concerné. Il n'entend d'ailleurs pas s'en tenir là. Il y a quelques jours, à l'Université d'été du THD, Lionel Recorbet, directeur général de SFR FttH, annonçait ainsi "une grande campagne d'audit sur l'ensemble de nos points de mutualisation".

S'agira-t-il de laisser le soin aux opérateurs de s'assurer du bon fonctionnement de leur propre réseau, tandis que l'Etat ne le ferait que sur les RIP, là où des deniers publics ont été engagés ? Nous avons contacté le Secrétariat d'Etat au Numérique pour en savoir plus sur ce point précis, et plus globalement sur les orientations de cette mission de contrôle, mais ce dernier n'a pas donné suite à nos questions. 

 

 

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